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jeudi 21 mars 2024

ALBERT KING/. Early recordings 1953-71

 

ALBERT KING/ Early recordings 1953-71



 Tandis qu'à partir des années 60, le blues connaissait une très forte éclipse auprès des communautés noires américaines au profit d'autres formes de chanson populaire, Albert King fut un des seuls bluesmen à s'imposer dans les Hit Parades de musique noire, pénétrés de Soul puis de Disco! Ce géant taciturne, tirant sur une éternelle pipe, semblant écraser entre ses mains une guitare Gibson-Flying V, est né Albert Nelson (ou Blevins ou Gilmore) à Indianola (Ms) le 25 avril 1923 et a commencé comme conducteur de tracteur près ed Forest City (Arkansas). Il joue de la batterie dans les tavernes rurales, apprend assez tard la guitare sous l' influence de Elmore James et Robert Nighthawk. Vers 1950, il est à Gary, Indiana, où il travaille dans une aciérie tout en fréquentant la copieuse scène locale du blues, notamment avec John Brim ou Jimmy Reed avant de jouer en vedette sous le nom de Albert King, afin de se faire passer pour le demi-frère de B.B.
            En 1953, grâce à John Brim, Albert King fait des débuts discographiques de facture très rurale sur le label Chess. Mais c'est en s'installant à Saint Louis qu'il prend véritablement son style personnel. La scène musicale de la ville est dominée par des orchestres de jazz populaire auxquels s'intègre remarquablement Albert King. Il pratique alors un style de guitare électrique simple mais fluide, plein de vibratos et d'effets de glissandos, qui se marie parfaitement avec des sections rythmiques étoffées et des riffs de cuivres. Il enregistre abondamment dans cette manière pour le label Bobbin et connaît un succès local avec Don't throw your love on me so strong, ce qui attire l'attention du label de Memphis, Stax, spécialisé dans la Soul sudiste, mais à la recherche d'un bluesman ouvert aux sonorités contemporaines et qui plairait à un public noir sudiste toujours friand de blues.
            C'est chez Stax et à Memphis qu'Albert, accompagné de certains des meilleurs musiciens de studio de l'époque (Steve Cropper et Booker T. Jones), donne la pleine mesure de son talent. Il réussit à vendre constamment des disques à la clientèle noire (Laundromat blues, Crosscut saw, As the years go passing by). Parallèlement, Albert King réussit à séduire aussi le public blanc



américain et international grâce à sa prestation au Fillmore East, le temple du rock de San Francisco, en 1968 (immortalisé sur l'albumLive wire/ Blues power /Stax). Dès lors, plusieurs superstars du rock lui rendent de nombreux hommages: Eric Clapton, Jeff Beck, Jimmy Page... Sur le plan artistique, la période Stax d'Albert King est particulièrement impressionnante avec une série d'albums tout à fait remarquables: I'll play the blues for you, I wanna get funky, Lovejoy .... superbement arrangés entre blues, Soul et Funk et au feeling fantastique qui comptent parmi les meilleurs disques de blues des années 70.
            Après la faillite inattendue de Stax en 1974, Albert King continue à enregistrer pour d'autres labels comme Tomato mais sans la magie de l'équipe Stax, ne retrouve plus la même réussite artistique et commerciale. Il lui faudra attendre dix ans de plus et le coup de pouce de Gary Moore, un guitariste de hard rock reconverti au blues, pour qu'il revienne au premier plan. Albert continuera à se produire sur les scènes du monde entier. Mais avec l'âge, et bien qu'il ait donné des concerts mémorables (notamment à Montreux), ses prestations scéniques sont souvent gâchées par une tendance presque maniaque à constamment régler la sono (avec son propre tournevis!) et eng... ses musiciens.
            Albert décède d'une crise cardique le 21 décembre 1992 à Memphis (Tn), façonnant auprès d'un public nouveau et de plus en plus jeune, sa stature de géant du blues moderne.

                                     Gérard HERZHAFT

            






            During the 60's and 70's, Albert King stood as one of the very few bluesmen to have Hits on the Top 40's otherwise filled with Soul and Disco.
            This tall man of few words, constantly smoking a pipe even on stage, always seeming to crush a Flying V-Gibson between his huge hands was born Albert Nelson (or Blevins or Gilmore) in Indianola (Ms) on April, 25th 1923. While driving a tractor on a plantation near Forest City (Arkansas), he started to play drums and only lately guitar in watching Elmore James and Robert Nighthawk on local juke joints. He came to Gary (Indiana) to work in a plant and then started to play blues in clubs behind Gary bluesmen like John Brim or Jimmy Reed before launching his own career under the name Albert King, letting people believe he was half brother of B.B. King.
            Thanks to his friend John Brim, Albert started a recording career for Chess in 1953, a very down home session that couldn't let guess in which direction he was going. This is in fact only while relocated in Saint Louis that he took his own characteristic style, mixing his really down home approach with jazz bands and arrangements. His guitar playing is simple but rich with many finger sliding and vibrato effects with a lot of silences that catch the attention of the listener to what note would he play next. He recorded many sessions with big bands for the Bobbin label and hit locally with Don't throw your love on me so strong in 1961 that directly led him to Memphis and a contract with the fledgling Stax label that wanted for its roster a bluesman opened to contemporary sounds who would please a Southern African American public still faithful to the blues.
            Stax surrounded Albert with some of the very best studio musicians of the time (Steve Cropper, Booker T., The Memphis Horns etc..), turning his blues towards funky arrangements. The success came quickly with a string of hits like Laundromat blues, Crosscut saw, As the years go passing by. But thanks to some stage performances like his memorable Fillmore East appearance, Albert also managed to draw the attention of the blues rock audience of the late 60's/ early 70's, influencing many rock stars like Eric Clapton, Jeff Beck or Jimmy Page. He then waxed several masterful albums, full of invention and feeling, that still stand as some of the very best blues of the early 1970's: I'll play the blues for you (a huge Top 40 hit), I wanna get Funky, Lovejoy...
            After the collapse of Stax in 1974, Albert recorded for other labels like Tomato but without the clever and tasteful hanf of the Stax team behind him, most of those albums - while still good blues anyway but very often too heavy arranged - can't be compared to the sheer brilliancy of his previous works. After some lean years, Albert started up again during the 1980's with some very good Californian albums and the help of blues-rock star Gary Moore.
            He also toured constantly the world over. But with the years, although Albert could still deliver very nice performances on a good day, many of his shows were often marred by his tendency to adjust the sound (with his own screwdriver) and bawl his musicians sometimes for half of his set.
            He unexpectedly died of an heart attack in Memphis on December, 21st, 1992, being hailed as a true giant of modern blues.
            

                                                                       Gérard HERZHAFT


mercredi 6 mars 2024

JAMES COTTON 1953-68

 

JAMES COTTON/ 1953-68

 

 


Si James Cotton jouit aujourd'hui à juste titre d'une réputation de légende vivante et figure au Panthéon des grands harmonicistes de blues, cela n'était certainement pas le cas lorsqu'au début des années 60 le petit cercle d'amateurs de blues européens le découvrit.

         Cotton n'était alors essentiellement connu qu'en tant que remplaçant de Little Walter au sein de l'orchestre de Muddy Waters, et pas forcément à son avantage!

         Né le 1er juillet 1935 à Tunica dans le Mississippi, James Cotton apprend très jeune à jouer de l'harmonica en écoutant les disques de John Lee "Sonny Boy" Williamson que son oncle lui prêtait et l'émission de radio King Biscuit Time dans laquelle officiait Sonny Boy "Rice Miller" Williamson. Persuadé que Rice Miller était le Sonny Boy des disques, Cotton convainc son oncle d'aller le voir. Flatté, Miller prend l'adolescent sur la route avec lui et Cotton le remplace sur scène (ou derrière le rideau selon les lieux étant donné son jeune âge) quand Sonny Boy est trop imbibé pour jouer. Lorsque Miller part soudainement vers le Nord, Cotton se retrouve embauché à Memphis par Joe Hill Louis puis Howlin' Wolf. Dans le groupe, Cotton noue une amitié durable avec les frères Murphy (Floyd et Matt), Pat Hare, Junior Parker, Willie Johnson... Presque naturellement, Sam Phillips enregistre James sur Sun, deux 78t de R & B de très bon niveau mais dans lesquels Cotton ne joue pas d'harmonica et qui ne se vendront guère.

        


James gagne Chicago au milieu des années 50. Lorsque Muddy Waters licencie Big Walter Horton de son orchestre à cause de ses nombreuses inconséquences, James Cotton devient l'harmoniciste du groupe. Une fonction qu'il conservera une dizaine d'années. Cotton enregistre abondamment avec Muddy Waters et se fait ainsi connaître du grand public. Au début, il semble quelque peu gêné par la présence occulte de ses grands prédécesseurs (Little Walter notamment, au style très différent). Mais il développe peu à peu un jeu d'harmonica, bien plus terrien que celui des Walters, swinguant, tout en puissance et finalement extrêmement efficace.

         Lorsque Muddy emmène James avec lui en Angleterre, l'infatigable jazzman britannique Chris Barber en profite pour enregistrer James, huit titres qui ne paraîtront qu'en Europe sur deux 45t EP. Malgré un accompagnement laborieux et peu inspiré, cette séance de 1961 permet à Cotton de prouver l'étendue de ses talents d'harmoniciste et de chanteur. L'influence de John Lee Williamson est alors écrasante autant dans les trois morceaux qu'il lui emprunte que dans le reste.

         Cette escapade anglaise a permis à Cotton de s'aviser qu'un public blanc et international s'intéressait de plus en plus au blues et qu'il y avait là une opportunité à saisir. De retour à Chicago, Cotton se rapproche de la petite fraternité de jeunes fans de blues qui gravitent autour de Paul Butterfield et Mike Bloomfield et il se produit avec eux dans plusieurs campus universitaires et clubs du North Side, montrant au passage pas mal de "plans" à Butterfield. Quelques titres enregistrés au cours de ces prestations nous sont parvenus avec un Cotton particulièrement en verve. Sa voix chaude, grasseyante se marie merveilleusement à son harmonica et autant Butterfield en second harmonica que Mike Bloomfield (ou Elvin Bishop?) à la guitare montrent leur réelle empathie avec le vrai blues.

        
En 1964, Cotton partage un microsillon produit par Sam Charters avec les autres membres du Muddy Waters blues band mais le LP est uniquement attribué à Otis Spann. Après un 45t pour Cadillac Baby dans lequel c'est Little Mack qui joue de l'harmonica (!), Cotton retrouve Charters et les autres musiciens de Muddy Waters pour cinq magnifiques titres qui paraissent dans la célèbre anthologie Chicago/ The blues today.

         Finalement, James se décide à tenter une carrière personnelle, forme son propre blues band avec Sammy Lawhorn à la guitare, le temps d'enregistrer un nouveau (et excellent) 45t pour le label Loma en 1966.

         Il lui faudra attendre l'année suivante (1967) pour enfin graver son premier album sous son nom sur le label Verve qui sera suivi de beaucoup d'autres.

         Etant devenu un bluesman légendaire et de premier plan, James Cotton est décédé le 16 mars 2017 à Austin (Tx).

                                                        Gérard HERZHAFT

 

        


If today James Cotton stands rightfully as a living legend and as one of the leading stalwarts of the Chicago blues harmonica style, it has not always been the case. In the early 60's for instance when Europe discovered the blues, Cotton was chiefly considered as a so so substitute to Little Walter in the Muddy Waters' blues band. And he will have to fight hard to stand out as his own.

         Born on a plantation near Tunica, Ms. July 1st, 1935, James learned at a very early age to play the harmonica while listening to his uncle's huge record collection, particularly the 78s of John Lee "Sonny Boy" Williamson and the King Biscuit Time's radio programme from Helena (Arkansas) that was led by the "other" Sonny Boy Williamson, Rice Miller.

         The uncle like the nephew, persuaded - like many others - that there was only one Sonny Boy, went to see his show, chatted and playing with him. Some time after, the young James was taken under the not so protective wing of Rice Miller who used him as a valet as well as a replacement on stage (or behind a curtain, Cotton being still too young to play in most of the joints) when he was too whiskey-soaked to stand up. When Sonny Boy dropped everything suddenly to go North with his new wife, Cotton tried to maintain the band for awhile but it was a too hard task for such a young man and he instead settled in Memphis, playing in several blues bands, particularly Howlin Wolf's. As almost every blues act around Memphis, Phillips recorded twice James Cotton, four nice R&B tracks with stunning Pat Hare's guitar parts but no trace of harp blowing.

         James went to Chicago in the mid-50's, playing with almost everybody. At that time, Muddy was looking for a new harp player, Little Walter being already a star on his own and Big Walter proving he had a not reliable enough behaviour to play regularly with a busy touring band. And James was very reliable, so he took the place, a role that he would keep for more than a decade. And Cotton recorded widely with Muddy in a very different style than the Walters, more down-home, almost "Country", always Sonnyboyesque and more and more swinging, forceful and effective.

         When Muddy brought James with him for a tour of Great Britain, the indefatigable British jazz band leader Chris Barber took the opportunity to record him as a leader. Despite a very uninspired and pedestrian backing band, this 1961 session is very rewarding. Cotton proves his talents with his harmonica during eight titles with a very strong John Lee Williamson's influence.

         During this British adventure, Cotton realized that there was a new public outside the black ghettos for the blues. Back to Chicago, Cotton was more and more involved in the Blues Revival fledgling movement, beginning a friendship with the young white bluesmen like Paul Butterfield and Mike Bloomfield and playing with them on college campuses and North Side clubs. Some tracks recorded during those kind of venues had reached us, featuring a very masterful Cotton in this acoustic setting.

         In 1964, Sam Charters recorded five tracks by Cotton as a leader with the current Muddy Waters' band but the album was attributed only to Otis Spann. After a 45 for Cadillac Baby (in which Little Mack plays the harp, not James!), Cotton recorded another session for Charters with Spann and others, a stunning session that would be issued on the famed Chicago/ The blues today series, doing a lot to establish Cotton's reputation.

         At that time, Cotton finally tried to lead his own band enrolling the great Sammy Lawhorn on lead guitar. They recorded a masterful 45 for the Loma label in 1966.

         Cotton will have to wait 1967 to sign a contract with the Verve label and at last record his first album under his name which would be followed by many more. And this is as a legendary and highly praised bluesman and harmonica player that James Cotton died in Austin (Tx) on 16 March 2017

                                               Gérard HERZHAFT

 COTTON discography 1953-68